Proposition de CDI à l’issue d’un CDD : la procédure à suivre est précisée

La loi n°2022-1598 du 21 décembre 2023 dite « Marché du Travail » a créé, à côté de la procédure de présomption de démission, une procédure de proposition d’un CDI à l’issue d’un CDD dont le  défaut d’acceptation a vocation à impacter la prise en charge par le régime de l’assurance chômage.

C’est ce que prévoit l’article L.1243-11-1 du Code du Travail  dont le second alinéa subordonnait la mise en œuvre de cette procédure à la promulgation d’un décret.

C’est chose faite avec le Décret n° 2023-1307 du 29 décembre 2023 relatif « au refus par un salarié d’une proposition de contrat de travail à durée indéterminée à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée »

La procédure devient donc désormais applicable mais sans doute pas encore efficiente quant à son effet sur l’assurance chômage.

La procédure est une procédure en deux étapes successives :

  • La proposition de contrat en elle-même
  • L’information de France Travail en cas de refus de cette proposition (ex Pôle Emploi depuis la loi 2023-1196 « pour le Plein Emploi »)

 

Pour mémoire, le salarié qui a refusé à deux reprises, au cours des douze mois précédents, une proposition de CDI dans les conditions de l’article L. 1243-11-1 ne peut pas prétendre au bénéfice de l’allocation d’assurance chômage ainsi que le précise l’article L.5422-1 du Code du Travail.

  • Une proposition de CDI

Pour mémoire, l’entreprise pouvait d’ores et déjà avoir la pratique de proposer un CDI à l’issue d’un CDD certes pour pérenniser l’emploi d’un salarié mais aussi, en cas de refus prévisible, pour s’exonérer du paiement de l’indemnité de précarité (article L.1243-10 3° du Code du Travail) même si aucun formalisme dans la proposition du CDI n’était véritablement imposé.

On savait seulement que la proposition de CDI devait au moins porter sur le même emploi ou un emploi similaire lequel devait être assorti d’une rémunération au moins équivalente. Mais en l’absence de toute autre précision, un employeur mal intentionné aurait pu user de cette possibilité pour présenter une offre de CDI « inacceptable » et se dispenser du paiement de l’indemnité de précarité.

En pratique, la procédure est assez peu usitée car dans les secteurs où les certaines qualifications sont recherchées, priver le salarié d’une indemnité de précarité revient à se couper d’une part importante de mains d’œuvre. La pratique répond au même objectif que celui de la loi « Marché du travail » de ne pas avantager les fausses précarités par rapport à celles qui sont réellement subies.

Dans la procédure issue de l’article L.1243-11-1 du Code du Travail, la proposition est beaucoup plus précise car elle doit également porter sur une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail.

Le décret précise le formalisme de la proposition (article R.1243-2 Nouveau)

  • Elle devra se faire par pli recommandé ou remise en main propre contre décharge afin de lui donner date certaine
  • Avant le terme du CDD
  • Accorder et mentionner d’une part un délai de réflexion qui devra être « raisonnable »
  • Mais également mentionner les effets du refus ou du silence.

 

A l’issue de ce délai, le silence ou l’absence de réponse du salarié vaudra refus de la proposition.

 

  • Une information de France Travail

L’entreprise disposera alors d’un délai d’un mois courant à l’issue de ce délai pour informer l’opérateur France Travail du refus du salarié.

Plusieurs questions seront progressivement traitées par la pratique :

  • Qu’est-ce qu’un délai raisonnable de réflexion ?

En posant la question, on comprend que la procédure n’est pas destinée aux relations de courte durée puisque la proposition doit être faite avant le terme du CDD initial et que le délai de réflexion doit expirer au plus tard en même temps que le CDD (car sinon ce n’est plus une proposition de poursuite du CDD mais une nouvelle relation de travail qui devra être formalisée)

  • Que se passe-t-il si le salarié demande des précisions sur la proposition qui lui est faite ? Et par exemple, il n’est pas illégitime de s’interroger sur les horaires de travail qui ne sont pas forcément identiques à ceux qu’il a connu. Son interrogation sera-t-elle regardée comme un refus alors que le décret ne vise que l’absence de réponse ou le refus exprès ?
  • Le lieu de travail qui n’est pas un élément contractuel s’entend il du bassin géographique ou alors du lieu précis où la relation de travail s’est d’ores et déjà déroulée ? Par exemple la proposition d’une entreprise disposant de plusieurs points de vente sur une même commune peut elle se faire sur une adresse différente de celle que le salarié à pratiqué ?
  • Est-ce que le refus peut être légitime ? Et par exemple, si le salarié à d’ores et déjà pris des engagements par ailleurs mais pas immédiatement, son refus sera-t-il considéré comme légitime par France Travail ?
  • Comment par exemple articuler la procédure avec les CDD multi remplacement prévu par l’article 6 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 à titre expérimental dans certains secteurs ? On comprend que la notion de remplacement disparait puisque l’offre porte sur un CDI mais qu’en est-il de la notion de durée équivalente ?
  • L’entreprise est certes tenue de déclarer cette situation auprès de France Travail mais le défaut d’information (de délation diront les conseils des salariés) est-il sanctionnable par France Travail ? Et le salarié qui conteste la déclaration faite par son ancien employeur qui le prive de droits à l’assurance chômage doit il le mettre en cause dans l’exercice de son recours contre la décision de France Travail ?
  • Que se passe-t-il si le salarié s’est vu reconnaître des droits et que la déclaration de son ancien employeur à l’issue du délai d’un mois est de nature à remettre en cause les droits attribués ? Il pourrait être plus simple de déclarer cette situation en même temps que l’attestation destinée à France Travail rédigée en même temps que le solde de tout compte là où le décret prévoit un délai d’un mois de déclaration.

 

Ce sont des questions qui devront être réglées au fur et à mesure de la pratique.

La déclaration de l’entreprise se fera « par voie dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté du ministre chargé de l’emploi » ainsi que le précise l’article R.1243.2 II Nouveau du Code du Travail.

Remarque : Ce mécanisme existe à l’identique pour les salariés titulaires d’une mission intérimaire et qui se verraient proposer de poursuivre la relation en CDI à l’issue de la mission (article L.1251-33-1 et R.1251-3-1 du Code du Travail)

En d’autres termes, les entreprises ne peuvent pas encore effectuer la déclaration auprès de France Travail faute de disposer de l’ouverture de la plateforme de déclaration. La publication de l’arrêté est annoncé comme devant intervenir assez rapidement.

Elles n’ont pas non plus d’obligation de proposer une poursuite du CDD en CDI et cette procédure ne doit pas être confondue avec l’obligation existant depuis le 1er novembre 2023 d’informer le salarié qui en ferait la demande sur les postes en CDI à pourvoir dans l’entreprise (article L. 1242-17 et D. 1242-8 du Code du Travail issu du Décret n°2023-1004 du 30 octobre 2023)

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