Par un arrêt prononcé le 30 septembre 2020 largement diffusé et commenté, la Cour de cassation considère que l’entreprise, sous certaines conditions, être utilisé à l’appui d’une sanction disciplinaire, en l’espèce un licenciement disciplinaire.
L’arrêt est très largement diffusé, estampillé P+B+R+I c’est-à-dire destiné à la plus large diffusion pour marquer une position forte de la Cour de Cassation. La Cour de Cassation s’en explique à travers la note de commentaire jointe à son arrêt.
Au-delà de la solution retenue, l’arrêt est important pour reprendre et préciser la frontière entre la vie privée dont relève les réseaux sociaux entre « amis » et l’impact que peuvent avoir ces messages privés sur la relation de travail dès lors qu’ils causent un trouble objectif. En ce sens, l’outil de diffusion qu’est le réseau social Facebook importe peu et la solution peut se dupliquer à d’autres formes de diffusion privées (SMS, chat …)
En effet, l’arrêt est essentiel sur la question du droit de la preuve
Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
Pour mémoire, en matière prud’homale, la preuve des faits est par nature libre et peut être rapportée par tous moyens licite (le débat ne portait pas sur l’illicéité de la preuve obtenue par un stratagème auquel cas elle aurait nécessairement été écartée des débats ainsi que le rappelle la Cour de Cassation).
(Cf encore très récemment, Cass. soc. 18 novembre 2020 n° 19-15.856 F-D en matière de vidéosurveillance)
Ici, la preuve litigieuse, une photographie a été transmise à l’employeur ou son représentant via un courriel envoyé par l’un des abonnés au compte Facebook de la salariée.
Déjà la Cour de Cassation en se fondant sue « le droit à la preuve » avait admis que sous certaines conditions la production d’éléments susceptible de porter atteinte à la vie personnelle du salarié puissent être produits compte tenu de l’objectif poursuivi ;(Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203 PBRI pour la production, en référé des décomptes de la durée du travail de salariés afin de faire constater une méconnaissance d’une interdiction d’emploi de salariés le dimanche ou encore Cass. soc., 5 décembre 2018, n° 16-26.895)
Ici, la Cour de Cassation admet que l’entreprise, la société Petit Bateau, puisse produire, pour prouver les faits ayant donné au licenciement de la salariée, une photographie publiée sur le compte privé Facebook d’une salariée, chef de projet, montrant la collection de vêtements de l’entreprise non encore rendue publique et violant ainsi l’obligation contractuelle de confidentialité à laquelle était tenue la salariée..
Tout d’abord, la Cour de Cassation estime que le mode d’obtention de la photographie litigieuse ne relève pas d’un stratagème et a été obtenue de manière licite car transmise spontanément par un collègue de travail.
Mais l’intérêt de cette jurisprudence qui permet une immixtion dans une sphère extérieure à la vie et au temps de l’entreprise réside dans la limite que pose la Cour de Cassation en convoquant à l’appui de sa motivation la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 9 du Code civil (droit au respect de la vie privée) et 9 du Code de procédure civile.
La production de la preuve issue de la sphère privée du salarié doit être indispensable à l’objectif probatoire poursuivi et proportionné au but poursuivi.
Et la Cour de Cassation d’inscrire ce principe jurisprudentiel à l’unisson de la position adoptée par d’autres chambres invoquant également ces fondements ainsi que le précise la note annexée à l’arrêt (Cass. Civ 1., 25 février 2016, n° 15-12.403, Civ 1., 22 septembre 2016, n° 15-24.015; Com., 15 mai 2019, n° 18-10.491, au regard du secret bancaire).
Ainsi, à l’heure des réseaux sociaux omniprésents, ce n’est surtout pas une possibilité de production ou diffusion de l’espace privé et intime du salarié qui est admis mais uniquement une petite possibilité qui est accordée à l’entreprise de pouvoir prouver, sous condition, un manquement contractuel qu’elle invoque.
Un message Facebook privé produit en justice peut porter atteinte à la vie privée du salarié et donner lieu à indemnisation.
Tel un balancier, la Cour de Cassation à la suite de son arrêt largement diffusé du 30 septembre 2020 affine et précise sa jurisprudence relative à la production des messages Facebook privés.
Par un arrêt du 12 novembre 2020, (Cass. Soc. n° 19-20.583) Elle précise que la production inutile d’un tel message cause nécessairement un préjudice au salarié en ce qu’il porte atteinte à sa vie privée et peut donc donner lieu à indemnisation
Au visa de l’article 9 du code civil, la Cour de Cassation énonce à l’inverse des juges d’appels qui avaient considéré que « la production du message privé litigieux, si elle n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve, n’a causé aucun préjudice à la salariée » que « la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Il s’agit tout d’abord d’une exception supplémentaire au principe dégagé en 2016 selon lequel un manquement à une obligation de l’employeur ne cause plus nécessairement en soi un préjudice à côté d’autres exceptions récentes.
Mais surtout, elle impose à l’employeur de faire attention aux documents issus de la sphère privée d’intimité du salarié et de choisir entre preuve indispensable et risque d’atteinte à la vie privée.Haut du formulaireBas du formulaire.