à son retour de congé parental, une salariée s’est présentée à son poste de travail avec un foulard. L’employeur lui a demandé de le retirer mais suite à son refus, elle sera placée en dispense d’activité, puis sera licenciée pour cause réelle et sérieuse.
Soutenant être victime de discrimination en raison de ses convictions religieuses, elle saisit le juge d’une demande en nullité de ce licenciement.
Dans son arrêt du 14 avril 2021 (19-24.079), la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence selon laquelle en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur ou dans une note de service, l’interdiction faite à une salariée de porter un foulard islamique caractérise une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses.
Elle ajoute que l’attente des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de vêtements ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante permettant de justifier l’interdiction de porter un foulard.
1- La réitération d’une obligation de clause de neutralité
Il résulte des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 (transposés aux articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3, 2° du code du travail), que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.
– les restrictions doivent être justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise ;
– elles doivent être proportionnées au but recherché.
C’est ce que la Cour de Cassation a rappelé dans un arrêt du 22 novembre 2017 (n° 13-19.855). Pour autant la Cour estimait que la clause de neutralité n’était valable que si elle est générale et indifférenciée, et qu’elle n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.
Dans cet arrêt, la Cour reprend les principes issus de sa jurisprudence de 2017 : en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur ou dans une note de service, « la cour d’appel en a déduit à bon droit que l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée ».
2- Le refus d’une atteinte à la politique commerciale de l’entreprise comme exigence professionnelle essentielle et déterminante
Restait à déterminer si cette discrimination pouvait tout de même être justifiée par une exigence essentielle et déterminante, comme le prétendait l’employeur.
Dans un arrêt Micropole rappelé par la Cour de Cassation, la CJUE précisait que la notion d’exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l’article 4 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 « renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client » (CJUE, 14 mars 2017, C-188/15).
En l’espèce, pour justifier d’une telle restriction, l’employeur s’est placé sur le terrain de l’image de l’entreprise « au regard de l’atteinte à sa politique commerciale », laquelle serait, selon lui, « susceptible d’être contrariée au préjudice de l’entreprise » par le port du foulard islamique par l’une de ses vendeuses.
De ce fait, la salariée pouvait légitimement refuser d’ôter son foulard et son licenciement est nul en raison d’une discrimination.
Pour l’instant, seuls des impératifs d’hygiène et de sécurité semblent caractériser une exigence professionnelle nécessaire et déterminante « l’objectif légitime de sécurité du personnel et des clients de l’entreprise peut justifier en application de ces mêmes dispositions des restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives et, par suite, permet à l’employeur d’imposer aux salariés une apparence neutre lorsque celle-ci est rendue nécessaire afin de prévenir un danger objectif » (Cour de Cassation, ch.soc, 8 juillet 2020, n°18-23.743).
La Cour de Cassation écarte cette justification aux motifs que « l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l’article 4 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 »